LE BETISIER
Vous pensez bien qu'en 10 ans de foires aux vins, on a quelques anecdotes à raconter. Les vignerons ont ce caractère bon enfant, spontané et un rien chauvin qui s'armonise au terroir et ajoute au plaisir de la dégustation. Je ne résiste pas à livrer quelques cocasseries bien dans l'ambiance.

Liste des bêtises :


Chacun sa place

Je me souviens d'une petite foire ou j'aimais bien aller tous les ans. Il n'y avait que du bon, car ces messieurs les organisateurs étaient aussi de fins connaisseurs, et nous rabattaient toutes leurs bonnes adresses pour l'occasion. Cette année là, un nouveau producteur nous présentait son Santenay. Juvénile et fruité, même assez bien classé dans le guide Hachette, j'en prenais 2 cartons. Puis j'en vint au stand de monsieur Z à qui j'achète tous les ans. Un bel étal toujours à sa place habituelle juste en face de l'entrée. Monsieur Z ne vend pas seulement ces (vieux) vins, car avec ceux des copains, la bourgogne est bien honorée jusqu'aux coteaux du Lyonnais. Je lui dis par hasard :
- "Vous avez vu, vous avez un collègue." Désignant notre Santenois.
- "Non! Moi monsieur, je ne vends pas de beaujolais!"
Ce fut dit tout net. Je me demande même s'il n'a pas ajouté "nouveau". J'ai gardé le Santenay 3 ans et malgré son évolution rapide, il nous fit bon usage et je n'en regrette pas l'achat. Nous passons aux affaires et n'en parlons plus. Je n'ai su le fin mot que des mois après : Le plaisir de monsieur Z ce sont toutes ces foires aux vins qu'il parcourt l'année durant. Il est intarisable qui du bon accueil d'ici, des calamars à l'Armoricaine qu'on servit la dernière fois là bas. On entre dans le sacré et surtout n'y rien changer. Ce jour là donc, quelle surprise quand il trouve à sa place habituelle tôt le matin, un autre bourguignon ignorant du passe droit... Et quand on est bourguignon, on reste entier et des choses ne se font pas. Ce n'est pas faute de l'avoir dit : gardez-moi ma place ou je ne viens plus! Il l'avait pourtant bien dit!

Les alchimistes

A chacun son assemblage qu'on vous récite bien volontier. En côte de Bourg, on utilise Cabernet Sauvignon, Cabernet Franc, Merlot, Malbec, parfois un doigt de petit-verdot. Les qualités de chaque cépage sont ajustées à l'an pour exprimer le meilleur équilibre possible. Avec les chutes, on fait son deuxième vin. C'est banal et je pose souvent la question de l'assemblage car ça permet au vin de se présenter. Un jour je trouve un petit côte de Bourg sympatique et pas cher. L'assemblage me surpend par sa rusticité avec Cabernet-Sauvignon: 80%, Merlot: 20%. Mais rien d'anormal pour notre vigneron bien honnête et authentique. En fait, il y a deux écoles et ceux là, ce sont des alchimistes!!

Le Fitou à 150F

Bien sur pour notre vigneron, le meilleur des vins est celui qu'il élève lui-même avec tant de soin, issu des prodigieuses vignes de son grand-père. Un tel vin n'a pas de prix, et d'ailleur il lui en coûta tant, il en reste si peu de bouteilles, que c'est tout net un déchirement d'imaginer s'en séparer. Me voilà un jour à déguster un Fitou, enfant de l'amour. Mise en bouche avec l'ordinaire, puis vint le spécial. On en arrive donc aux fameuses bouteilles de la meilleure parcelle composée de vignes de 100 ans, dorloté en beaux futs de beaux chênes. Le vin se révèle excellent, plus : original. Concentration, goût de terre, à la fois rapeux et souple, pruneaux; Un Fitou remarquable et mémorable. Remarquable d'entre les Fitous, car cependant, un Fitou reste un Fitou, un Gamay ne rivalise pas d'un Baujolais, ainsi de suite. Donc le vin est réussi mais à 150F la bouteille, c'est trop. Il est extrèmement rare de discuter le prix d'un vin. On prend ou non. Cela ne m'était jamais venu à l'idée d'ailleur. J'explique pourtant au monsieur juste pour parler, que le vin est bon, mais qu'on ne conçoit pas un prix pareil pour cette appellation. A mon avis, on n'aurait pas du dépasser 100F. J'en aurais bien pris 3 bouteilles, pour goûter tranquillement. Et bien... 300F!! C'est à croire qu'il n'en avait vraiment pas beaucoup vendu.